L’absence tracée par l’officier d’état civil
Les registres d’état civil ont été créés pour donner la preuve d’évènements de la vie déclarés ou constatés par des personnes ou une autorité. Or, il existe des situations dans lesquelles c’est l’absence d’informations qui contraint l’officier d’état civil à inscrire une mention ou procéder à une transcription.
En cas de disparition d’une personne dans des circonstances laissant à penser qu’elle ne reviendra pas, même si son corps n’est pas retrouvé, la déclaration judiciaire de décès peut intervenir relativement rapidement. En revanche, si une personne à l’étranger ou en France n’a plus de contact avec sa famille et ses proches et ce depuis un certain temps, cette situation peut inquiéter et engendrer des mesures visant à protéger son patrimoine et ses proches. Deux phases sont prévues par la loi n° 77-1447 du 28 décembre 1977. Dans un premier temps, l’absent est présumé vivant, les conséquences sur sa vie civile sont alors à prendre en considération pour l’agent d’état civil (1). Dans un second temps, la déclaration judiciaire d’absence aura les mêmes effets qu’un acte de décès (2). 1. La présomption d’absence et la vie qui continue L’absence d’une personne peut trouver son origine dans un accident, un départ volontaire ou encore une inconnue sur les causes de cette disparition. La personne ne revient pas à son domicile, ne donne pas de nouvelles et les dernières informations la concernant ne précisent pas s’il y a lieu de s’inquiéter ou non pour sa vie.Les proches peuvent alors agir pour faire reconnaître cette situation d’absence, d’une part en saisissant le procureur de la République qui, au regard des circonstances, pourra diligenter une enquête ou directement le juge des tutelles du tribunal d’instance « dans le ressort duquel la personne dont il s’agit de constater la présomption d’absence demeure ou a eu sa dernière résidence » (CPC, art. 1062). La preuve de l’absence pourra être apportée par tous moyens : production de témoignages, résultats de recherches via les réseaux sociaux, mesures d’instruction, etc. Le juge fixera alors le point de départ de l’absence et ainsi éventuellement des pouvoirs de gestion et de représentation de la personne chargée de veiller sur les intérêts de la personne « disparue ». À l’issue de cette procédure, l’article 1064 du Code de procédure civile prévoit qu’un extrait de la décision « constatant une présomption d'absence ou désignant une personne pour représenter un présumé absent et administrer ses biens ainsi que de toute décision portant modification ou suppression des mesures prises est transmis au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne présumée absente, à fin de conservation au répertoire civil et de publicité par mention en marge de l'acte de naissance ». L’officier d’état civil, lorsqu’il appose une mention de « RC », pense souvent à une mesure de tutelle ou de changement de régime matrimonial et rarement à cette hypothèse de l’absence. Or, il s’agit pourtant de la seule mesure de publicité prise pour faire connaître la situation particulière de la personne absente.S’il ne s’agit que d’une inscription au répertoire civil, c’est tout simplement parce que la personne est présumée vivante et que la vie continue pour ses proches. Aussi, si cette personne est mariée, le mariage et ses effets se poursuivent. Son conjoint ne pourra donc pas se remarier avant d’avoir demandé et obtenu le divorce. Les enfants qui viendraient à naître durant la période d’absence présumée du mari bénéficieraient également de la présomption de paternité, si ce dernier est bien désigné dans l’acte. Enfin, le parent restant exerce pleinement et seul l’autorité parentale (C. civ., art. 389-2). L’officier d’état civil devra donc, face à cette situation de personne présumée absente, bien prendre en considération cette présomption de vie.Si au bout de 10 ans, l’absent présumé ne refait pas surface, l’absence peut être judiciairement déclarée. Cependant, si aucune démarche auprès du juge n’a été faite dès le départ de la personne, le délai passe à 20 ans après les dernières traces de l’absent. 2. La déclaration d’absence Toute partie intéressée (héritiers, conjoint…) peut, dans la dernière année du délai de 10 ou 20 ans, introduire une requête auprès du tribunal de grande instance pour faire déclarer judiciairement l’absence de la personne disparue.Cette décision de justice obtenue, une publication dans deux journaux du département devra être faite. Une fois la décision passée en force de chose jugée (toute voie de recours close), le dispositif du jugement de la décision déclarative d’absence doit être transcrit, sur instruction du procureur de la République, sur les registres de décès du lieu du domicile de l’absent ou de sa dernière résidence. La mention de cette transcription est ensuite portée en marge du registre de naissance de la personne visée et le livret de famille sera, le cas échéant, actualisé. Cette transcription emporte « tous les effets que le décès établi de l’absent aurait eu » (C. civ., art. 128). La succession pourra ainsi s’ouvrir et le mariage éventuel sera dissous. Si l’absent réapparaît, par exemple pour refaire une pièce d’identité, l’agent ne pourra donner suite à sa demande. Il lui sera alors conseillé de solliciter le procureur pour saisine du tribunal aux fins d’annulation du jugement déclaratif d’absence. Une mention sera alors apposée dans le registre de naissance et dans le registre de décès pour annuler les effets du premier jugement. En revanche, certains effets de ce dernier se maintiendront malgré son annulation, telle que la dissolution de son mariage. Le remariage éventuel du conjoint sera donc toujours valable.Enfin, la personne déclarée absente peut décéder et la mention de son décès sera apposée en marge de son acte de naissance sans qu’il y ait lieu à annulation du jugement déclaratif d’absence (IGREC, n° 485). Fort heureusement, les cas de personnes qui disparaissent sans laisser de trace sont peu fréquents. Pourtant, au regard des délais pour aller au bout de la reconnaissance des effets de cette absence, assimilable à un décès, les proches ont tout intérêt à agir au plus tôt auprès du juge des tutelles pour l’organisation d’une vie qui continue malgré l’absence. L’agent de l’état civil qui aurait à connaître d’une telle situation pourrait imaginer un sort rocambolesque, mais il devra surtout bien orienter les proches qui se questionnent sur les conséquences de cette absence. Sources :
- Loi n°77-1447 du 28 décembre 1977 portant réforme du titre IV du livre Ier du Code civil : Des absents
- C. civ., art. 122 à 132 et 389-2
- CPC, art. 1062 à 1069
- IGREC nos 483 à 485