Trois questions à Pierre Piton
Pierre Piton est directeur général adjoint des services administratifs du conseil général de la Charente (16).
La décision prise par le conseil général de la Charente de rendre payant l’accès aux archives d’état civil en ligne a suscité de nombreuses contestations, en particulier de la part de la Fédération nationale des généalogistes. Celle-ci a d’ailleurs saisi le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre la délibération du conseil général.
Pouvez-vous nous présenter l’actuelle mise à disposition en ligne des archives d’état civil du département ?
Les archives de l’état civil du département, c'est-à-dire des services d’état civil de l’ensemble des communes et des paroisses, catholiques et protestantes, du territoire, représentent plus de trois millions de pages. Il nous a semblé important de les rendre accessibles par la numérisation, d’autant plus que cela a permis de mettre en place une campagne de restauration.
En effet, avant d’être numérisés, les documents ont été nettoyés, numérotés et restaurés. Une fois la phase de dématérialisation lancée, il a fallu entamer une autre étape : la mise à disposition, et donc l’accessibilité en ligne via un portail.
Ces opérations ont un coût. La restauration et la numérisation des documents ont nécessité un investissement de 500 000 euros sur trois ans. À cela s’ajoute celui de la mise à disposition, qui consiste en la conception du portail, de l’hébergement et de la solution de paiement. Ce coût, annuel, est estimé entre 20 et 30 000 euros. Le montant de la solution de paiement est le moins élevé, car il n’est pas fonction du trafic sur le site, contrairement à l’hébergement.
L’investissement nécessaire à la mise en place du service est-il de ce fait financé par le prix payé par les usagers ?
Faire payer le service de consultation des archives d’état civil permet en effet de l’autofinancer en partie. Les investissements sont lourds, et le département n’a pas reçu d’autre aide financière de l’État que la subvention d’une partie de la dématérialisation d’archives à caractère culturel (les plans du cadastre napoléonien, des données iconographiques…), lesquelles sont accessibles gratuitement. En l’absence de financement, il nous fallait donc trouver un compromis afin d’assurer l’accès au plus grand nombre de documents, par le plus grand nombre de personnes.
Il est à noter que le but du département est surtout de rendre le service pérenne ! Nous ne voulions pas d’un service qui ne dure que cinq ans, ou pire, comme c’est le cas dans certains autres services d’archives, que les documents soient numérisés mais non mis en ligne faute de moyens.
Par l’institution d’un forfait pour l’accès aux données, nous assurons ainsi la continuité du service.
Par ailleurs, le forfait a été calculé en fonction du coût réel de l’accès aux archives. Nous sommes partis du constat que l’accès au service des archives physiques nécessitait au minimum un coût de déplacement (en véhicule personnel ou en transports en commun). Le département ayant instauré un prix de transport en commun de 1 euro, il nous a semblé que le coût de l’accès aux archives dématérialisé ne devait pas dépasser ce seuil.
Le service des archives est ainsi accessible sur Internet, pour toutes les personnes qui le consultent, pour un coût maximum d’un euro par jour.
Vous étiez-vous préparés à une action en justice particulière en construisant ce projet ?
Nous avions lancé une procédure de consultation informelle avec les associations de généalogistes du département. Une certaine appréhension avait fait jour, et c’était normal dans la mesure où, alors qu’un service d’accès gratuit existait, il allait être payant sur Internet. Mais, encore une fois, en prenant en compte les coûts réels de consultation, celle sur Internet est à la fois plus facile, plus rapide et moins coûteuse qu’un déplacement physique.
Propos recueillis par Pablo Hurlin-Sanchez