Trois questions à Anne Avril
Anne Avril est chef du service des mairies d’arrondissement de Lyon.
Comment l’idée de la création du bureau état civil au sein de l’hôpital de la Croix-Rousse a-t-elle pris corps ?
D’une part, en interne, de la motivation de nos agents, désireux de rendre service au public via une relation plus proche, plus directe, alors que les procédures sont de plus en plus dématérialisées et que notre législation est de plus en plus complexe. D’autre part, d’une rencontre, celle, un peu fortuite, avec les responsables d’une clinique, en cours d’ouverture dans le 8e arrondissement, nous demandant de venir à leur aide, face, justement, à la complexification de notre législation, notamment en matière de nom.
À partir de là, l’idée a germé autour de cette question, devenue un véritable défi : pourquoi le service état civil ne s’installerait-il pas en maternité, au plus près de ceux qui en ont besoin ? Tout le monde y trouverait son intérêt : les parents, bien sûr, mais aussi les agents, qui verraient leur métier valorisé auprès du public, et le personnel de la maternité, recentré sur son cœur de métier. Une belle rencontre, en quelque sorte !
Je me suis donc rapprochée de la mairie du 4e arrondissement, où est localisée la plus importante maternité de Lyon. Le directeur général des services était enthousiaste, le maire aussi, de même que les responsables de l’hôpital… Restait à régler les questions techniques, juridiques et informatiques. C’est bien ce qui a pris le plus de temps, et qui explique, en grande partie, les dix-huit mois qui ont été nécessaires pour mettre en œuvre le projet.
Quels ont été les principaux problèmes techniques à résoudre ?
Le problème le plus ardu, c’est bien de transporter les solutions informatiques. Idéalement, nous aurions dû créer deux sections, à savoir un registre de naissance à la mairie et un autre à la maternité. Or techniquement, cela s’est avéré impossible. Nous avons donc été amenés à acheter une autre application informatique qui ne sera opérationnelle que le 1er janvier prochain. Il a fallu obtenir l’approbation du procureur pour mettre en place un système transitoire, qui fait qu’en définitive, actuellement, les naissances et reconnaissances ne peuvent être traitées qu’à la maternité, là où se trouve notre seul registre. Le Parquet a également donné son accord pour le déplacement des registres à la maternité et pour la prise des déclarations en dehors de la mairie.
Autres phases, indispensables, qui ont pris du temps : les réunions avec l’hôpital pour la mise au point organisationnelle et de la gestion du personnel. Le chef de service de la mairie du 4e arrondissement a également mis sur pied des sessions du type « Vis ma vie », au cours desquelles les agents de l’état civil ont partagé le quotidien des agents hospitaliers durant une ou plusieurs journées, et inversement, ce, sur une période de six mois. Il a aussi mis en place des groupes de travail pour revoir toutes les fiches de procédure, se mettre d’accord sur les rotations et la disposition ergonomique des locaux, sans oublier l’aspect sécuritaire du dispositif, ne serait-ce que sous la forme d’une armoire forte pour mettre les actes en sûreté et éviter tout risque de vols, de pertes ou de dégradations.
Pouvez-vous, d’ores et déjà, faire un premier bilan, quelque trois mois après l’ouverture du bureau ?
Nous avons prévu une première évaluation début juin. Toutefois, nous recueillons déjà des échos positifs, notamment de la part des parents, qui expriment leur satisfaction de n’être plus contraints aux allers-retours à la mairie et apprécient la disponibilité des agents sur le lieu même de la naissance de leur enfant. Une proximité qui, pour certains pères, va jusqu’à revêtir un aspect symbolique fort, celui d’être, en quelque sorte, au cœur même de l’acte de naissance de leur enfant, un sentiment intense qui pourrait se traduire ainsi : « Ma femme a donné le jour à notre enfant, moi, je lui ai donné vie au regard de la société, je l’ai reconnu pour la société ».
En outre, la mise en œuvre de ce projet démontre que les mairies sont capables de s’adapter aux besoins du public, disposent encore de l’autonomie d’organisation, de proposition pour le faire et améliorer les services publics, ce, au moment où il est dans l’ère du temps de les taxer de recul, de régression.
Propos recueillis par Guy Malherbe