Le maire et la délivrance des concessions funéraires : le champ des possibles
1. Le maire, autorité compétente par délégation pour une concession funéraire 1.1. Les enjeux juridiques de la délivrance des concessions funéraires Le conseil municipal est normalement compétent pour délivrer les concessions funéraires. Toutefois, il n’est pas rare en pratique que le conseil délègue, sur la base de l’article L. 2122-22-8° du CGCT, cette compétence au premier magistrat de la commune. De façon étonnante, le CGCT fait de la délivrance d’une concession une possibilité et non une obligation, l’article L. 2223-13 disposant que « lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs ». Cette base juridique semble ménager une grande souplesse en créant une faculté et le droit d’opposer un refus à la délivrance d’une concession funéraire, laquelle est, juridiquement, un contrat d’occupation du domaine public communal (ou intercommunal) assorti d’un droit réel immobilier. Demander une concession funéraire revient donc à former auprès du maire une demande de location d’un espace privatif dans le cadre d’un contrat de droit public depuis 1955 (CE, Ass., 21 oct.1955, Méline, Rec. CE, p. 491 – TC, 25 oct.1963, Commune de Saint-Just-Chaleyssin, Rec. CE, p. 793), en vue d’y fonder sa sépulture et celle de sa descendance. Cette qualification juridique concerne également les concessions funéraires délivrées en vue d’une inhumation des cendres du défunt (D. n° 2011-121, 28 janv. 2011, relatif aux opérations funéraires). Les communes de plus de 2 000 habitants sont tenues de proposer la délivrance de concessions cinéraires afin de rendre possible le traitement de ce corps choisi par le défunt et dont la loi du 19 décembre 2008 a souhaité le développement afin de tenir compte d’une évolution de la société à l’égard de cette opération funéraire. L’article L. 2223-2 oblige les communes concernées à aménager un site cinéraire qui comporte un espace de dispersion des cendres mais également des concessions adaptées à l’inhumation des cendres. L’octroi d’une concession funéraire entre clairement dans la politique de gestion du cimetière ainsi que l’a précisé une récente réponse ministérielle (Rép. min., n° 9159, JOAN, 29 oct. 2013, p. 11409). ll ne faudrait toutefois pas en déduire que le maire peut en toute discrétion prendre une décision de refus car le juge exige la motivation d’une telle décision, c’est-à-dire l’exposé précis et individualisé des raisons de fait et de droit amenant à refuser l’octroi d’une concession. En décidant de refuser la délivrance d’une concession funéraire, il peut arriver que le maire commette une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (CE, Sect., 11 oct. 1957, Hérail) car toute illégalité est fautive (CAA Marseille, 20 mai 1998, Commune de Saint-Étienne du Grès, n° 96MA00906 : 2 500 euros pour réparer le préjudice lié au refus illégal de délivrer une concession). 1.2. Le refus légal de retirer un titre de concession Qu’en est-il de la décision du maire refusant le retrait d’un titre de concession ? Le juge administratif a fait preuve d’une audace justifiée par la nature spécifique d’un tel contrat en précisant que les décisions portant attribution de concessions funéraires perpétuelles sont des décisions individuelles créatrices d’un droit immobilier et ne peuvent donc faire l’objet d’un retrait que dans le délai de quatre mois qui suit la prise de décision (CAA Douai, 4 oct. 2007, Commune de Thun-l’Évêque, n° 07DA00516 – CAA Bordeaux, 6 janv. 2009, n° 07BX02269 – CAA Bordeaux, 2 mars 2010, Roi c/ Commune de Brive-la-Gaillarde, n° 08BX02222). On sait que la jurisprudence Ternon ne concerne que les décisions individuelles créatrices de droit mais le juge a voulu « cristallliser » le droit afin d’assurer une sérénité aux défunts inhumés dans de telles concessions. Cette jurisprudence protège donc juridiquement le maire qui peut, sur cette base, refuser de retirer un titre de concession. 2. Les motifs légaux et les refus illégaux de délivrance de concessions funéraires 2.1. Motifs légaux de refus de concession Force est de constater que la doctrine administrative elle-même ne brille pas toujours par la clarté lorsqu’elle tente d’apporter des éléments visant à sécuriser juridiquement le refus de délivrance. Que penser, par exemple, d’une réponse ministérielle indiquant que le maire peut, sur la base du CGCT (art. L. 2223-13 et L. 2223-3), « refuser la délivrance d’une concession funéraire dès lors que le demandeur ne satisfait pas à l’une des trois hypothèses limitatives précisées » ? Si l’on dresse un rapide panorama jurisprudentiel, le maire peut légalement refuser de délivrer une concession funéraire dans les hypothèses suivantes, étant précisé que l’article L. 2223-3 du CGCT ne constitue pas la base juridique du refus de délivrer une concession funéraire :
- manque de place dans le cimetière, étant précisé que le juge exerce un contrôle assez poussé sur ce motif afin d’éviter qu’il devienne la clause de style des refus de concessions funéraires. L’approche du juge est pragmatique et ce refus légal deviendra illégal s’il s’avère qu’après la demande formée par un administré, la commune a accordé une nouvelle concession en aménageant l’espace du cimetière dédié aux concessions ;
- contraintes inhérentes à l’aménagement du cimetière, le juge vérifiant que les faits avancés par le maire sont matériellement exacts (CE, 26 oct.1994, n° 133244) ;
- existence d’un critère quantitatif : par exemple, le refus est légal lorsque plusieurs autres concessions funéraires ont déjà été accordées au demandeur et n’ont pas encore reçu de dépouilles (CAA Douai, 14 fév. 2001, Coudeville, n° 97DA02255) ou lorsque la surface sollicitée par le demandeur de la concession funéraire semble exagérée à l’aune de la superficie susceptible d’accueillir d’autres sépultures, de la dimension de la famille compte tenu de l’absence de descendance et par rapport aux besoins des autres personnes susceptibles de demander une concession : l’intérêt général est opposable par le maire compte tenu de l’impératif de bonne gestion du cimetière (CE, 25 juin 2008, Schiocchet, n° 297994) ;
- le maire peut également prendre acte de la renonciation légale aux droits sur une concession funéraire reçue par un acte notarié (formalité non obligatoire cependant mais recommandée) émanant de la conjointe ou de l’hériter du fondateur de la concession (Rép. min., n° 00588, JO Sénat, 25 avr. 2013, p. 1359).
2.2. Refus illégal de délivrance d’une concession funéraire Le maire commet un excès de pouvoir s’il motive le refus d’une concession funéraire alors même qu’il existe la place nécessaire dans l’espace du cimetière dédié aux concessions selon une jurisprudence ancienne toujours d’actualité (CE, 25 nov. 1921, Niveleau – CE, Sect., 11 oct. 1957, Hérail). La crainte d’un « mauvais payeur » ou le souhait d’obtenir le paiement intégral en une fois de la concession ne peut également fonder le refus de délivrance d’une concession, ainsi que l’a précisé la doctrine administrative saisie d’une question concernant l’accroissement des demandes de concession assorties d’une demande de paiement échelonné sur cinq ans (Rép. min., JOAN, 13 janv. 2004, p. 339). Il convient de prendre garde au retrait de la décision refusant d’accorder une concession car cette décision ouvre droit à réparation du préjudice subi du fait du refus initial opposé par le maire à la demande de concession (CAA Nantes, 27 déc.2006, Commune de Quettehou, n° 05NT01173). Sources :
- CGCT, art. L. 2122-22
- E. Aubin et I. Savarit-Bourgeois, Cimetières, sites cinéraires et opérations funéraires, Berger-Levrault, 8e éd., 2015