Marie-Christine Staniec-Wavrant et Julie Philippe : « La nouvelle procédure de changement de nom était attendue depuis longtemps par les citoyens. Elle aura des conséquences importantes ! »
Depuis la mise en place de la procédure simplifiée de changement de nom le 1er juillet 2022, les communes font face à de nombreuses demandes. Elles en identifient également les impacts, parfois très importants.
Marie-Christine Staniec-Wavrant, adjointe au maire de Lille chargée notamment de l’état civil, accompagnée de Julie Philippe, directrice du service de l’état civil de la ville de Lille, partagent leur expérience et leur compréhension de ses enjeux et implications.
Comment se passe la réforme du changement de nom et quels en sont les impacts pour les citoyens ?
J. P. : La circulaire du 3 juin 2022 du ministère de la Justice décrit très précisément les modalités d’application de la nouvelle procédure de changement de nom. Celle-ci passe d’abord par le dépôt d’un dossier par le demandeur et la confirmation de sa volonté au bout d’un délai de réflexion d’un mois minimum, puis par l’examen du dossier par le service de l’état civil et enfin, si les conditions sont remplies pour le changement de nom, par la modification des actes d’état civil.
M.-C. S.-W. : C’est cette partie du travail qui est aujourd’hui la plus complexe à mettre en œuvre ! En effet, une fois le changement de nom acté, il s’agit de corriger les différents actes d’état civil de la personne et de ses enfants avec les mentions nécessaires.
On constate que la majorité des demandeurs souhaitent prendre le nom de leur mère ou alors l’accoler à leur nom actuel. Depuis le 1er juillet, 257 demandes de changement de nom ont été déposées auprès de la ville de Lille, dont une majorité pendant le premier mois. Cet afflux démontre que la nouvelle procédure était attendue depuis longtemps et qu’elle répond à un réel besoin de la population !
Comment vous êtes-vous adaptées en interne et quels ont été les impacts de la nouvelle procédure pour les agents ?
J. P. : Il faut tout d’abord noter le point positif de la circulaire : ayant été publiée le 3 juin, nous avons eu un mois pour l’étudier et préparer sa mise en application. Il a fallu rapidement prendre la mesure de ses incidences et réaliser des documents d’informations à diffuser aux agents. Nous les avons ensuite formés en interne sur l’application de la circulaire. Nous avons également élaboré un document de communication, accessible sur le site internet de la mairie, afin de présenter la démarche aux administrés de façon simplifiée à travers six étapes.
M.-C. S.-W. : La ville de Lille constitue depuis toujours un pôle d’expertise pour les plus petites communes du département et la nouvelle procédure de changement de nom vient naturellement renforcer notre rôle de conseil technique.
De plus, elle a impacté de façon non négligeable les agents, en créant une charge de travail supplémentaire conséquente. Ce n’est pas l’accueil des administrés ou l’examen des dossiers qui nécessite le plus de temps, c’est le traitement une fois que la procédure a abouti ! En effet, lorsque le changement de nom est acté, il s’agit pour le service de modifier tous les actes en cours pour la personne concernée et ses enfants : l’acte de naissance du demandeur, son acte de mariage, mais également les actes de naissance de ses enfants, leurs actes de mariage, etc. Face à des situations familiales complexes, le traitement administratif peut donc s’avérer très important !
Avez-vous identifié des difficultés particulières d’application ?
M.-C. S.-W. : Les conséquences de l’application du changement de nom sont multiples et vont avoir des impacts pour les familles et pour la société en général. Par exemple, la circulaire ne prévoit pas de mention du changement de nom sur les actes qui ne sont plus en cours. De ce fait, si une personne change de nom alors qu’elle est mariée et qu’elle a préalablement divorcé, la modification du nom s’appliquera à son acte de mariage en cours, mais pas à celui qui a été dissous. Le travail des généalogistes va donc sérieusement se compliquer avec le temps !
Par ailleurs, si une personne séparée de son conjoint décide de changer de nom et si cette personne a un enfant qui porte son nom, alors l’enfant prendra automatiquement le nouveau nom. Mais rien n’est prévu pour obtenir le consentement de l’autre parent, ni même pour l’en informer ! On peut donc imaginer qu’un parent découvre le changement de nom de son propre enfant par hasard, par exemple en renouvelant une carte d’identité. Ce problème dépasse largement les officiers d’état civil et, dans ce type de cas, on peut s’attendre à des tensions familiales et sociétales. Nous avons donc fait remonter ces problématiques au ministère de la Justice. Nous en avons récemment échangé avec le parquet et une position devrait rapidement être prise sur le sujet.
J. P. : Sur un plan technique, d’autres difficultés se posent. Par exemple, les éditeurs de logiciel n’ont pas anticipé l’application de la nouvelle procédure et cela a pu engendrer des retards de traitement pour certains dossiers.
D’autre part, la circulaire prévoit que la collectivité contacte par tout moyen le demandeur à l’issue du délai de réflexion pour qu’il confirme ou non sa volonté. Ainsi, la ville de Lille a fait le choix de mettre en place un accusé de réception qui précise ce délai d’un mois. Si la personne ne revient pas vers le service au bout de deux mois, la ville tentera de le recontacter par courriel et par téléphone. Néanmoins, même si le traitement du dossier n’est mis en œuvre qu’à partir de la confirmation du demandeur, la gestion de ce délai de réflexion nécessite un suivi administratif particulier.