Exhumation ou simple rangement dans le caveau, une simplification ou une incertitude pour les communes ?
Dans une question écrite n° 05060 (JO Sénat, 24 mai 2018), le sénateur Jean-Pierre Sueur attire l’attention du ministère de l’Intérieur sur la situation d’une personne qui s’est vue refuser le déplacement d’un cercueil au sein du même caveau faute d’avoir sollicité au préalable une demande d’exhumation.
Hors la définition issue de l’étymologie latine « ex humus » qui d’ailleurs à elle seule ne suffit pas à justifier l’exhumation d’une urne d’un columbarium, l’article R. 2213-40 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) encadre fortement les formalités obligatoires d’une exhumation (l’état civil du demandeur, la preuve de sa qualité de plus proche parent du défunt, les horaires, la présence nécessaire du demandeur ou de son mandataire) mais ne définit pas le terme lui-même. L’encadrement strict de cette opération répond à des impératifs de salubrité publique mais également, dans la même proportion, au respect des morts et au lieu de leur sépulture. Ainsi, le juge judiciaire refuse fréquemment des demandes d’exhumation « pour que la paix des morts ne soit pas troublée par les divisions des vivants ».En pratique, comme le rappelle le ministre dans sa réponse, l’exhumation consiste à sortir les restes mortels d’une fosse ou d’un caveau, quel qu’en soit le motif (mise en reliquaire pour dépôt à l’ossuaire dans le cadre d’une exhumation administrative, transfert du cercueil vers un autre cimetière à la demande des familles, travaux de construction d’un caveau qui nécessiteraient obligatoirement la sortie des cercueils). La question s’est posée à une commune de réagir face à une demande de déplacement d’un cercueil au sein du même caveau, suite à une montée des eaux dans la partie inférieure du caveau. Un déplacement sans sortie du cercueil est il une exhumation ou un simple rangement qui ne nécessite aucune démarche ? La commune avait opté pour l’exigence la plus stricte, à savoir délivrer au préalable une autorisation d’exhumation.Pour le ministère de l’Intérieur, des travaux légers comme un simple rangement ou déplacement de cercueils dans le caveau sont libres. Comme le rappelait déjà le guide de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) mis en ligne en novembre 2017, la simple pénétration dans un caveau ne constitue pas une exhumation dés lors que le cercueil n’est pas sorti de la fosse et que les travaux sont réalisés dans le respect de l’article 16-1-1 du Code civil. Le ministère se réfère à un acte matériel concret : le cercueil est sorti de la fosse ou bien il ne l’est pas. Cette classification en deux catégories, rangement d’une part, exhumation d’autre part, poursuit un objectif de simplification, alors qu’en pratique, la nuance est mince.La jurisprudence administrative va dans le même sens et même plus loin quand elle conclue que l’opération de réduction/réunions de corps, intervenue en application de l’article R. 2213-42 du CGCT ne nécessite pas d’autorisation d’exhumation (CAA Marseille 23 avril 2018 n° 16MA03106). On observe d’ailleurs que la jurisprudence administrative (cf. CAA Douai 31 mai 2012 n° 11DA00776), qui avait pu rejoindre sur ce sujet la position plus stricte de la Cour de cassation depuis son arrêt de principe du 16 juin 2011 (n° 10.13580), s’en éloigne aujourd’hui totalement. Dans sa réponse, le ministère précise qu’en cas de travaux, la nécessité ou non d’une exhumation relève d’une appréciation « de la configuration de la concession ». Faute de précisions complémentaires, on en déduit que cette analyse de la configuration des lieux relève, soit d’une démarche spontanée de l’entreprise de Pompes funèbres, soit d’une surveillance de la collectivité. Or, il n’est pas certain que cette analyse de la situation et du risque soit assurée. Bien des communes ne disposent pas de règlement de cimetière imposant aux opérateurs de l’informer des travaux entrepris et n’assurent aucune surveillance ou contrôle spontané des travaux effectués dans les fosses ou aux abords des concessions. Si le sujet parait clos pour le ministère de l’Intérieur, il ne l’est probablement pas pour les communes. Nous aurons l’occasion de revenir plus amplement sur ce sujet dans une prochaine lettre.