Liberté de conscience des maires : le bras de fer devant le Conseil constitutionnel
Par une décision du 18 septembre, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité à propos des articles 34-1, 74 et 165 du Code civil, ainsi que de l’article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Les sages de la rue Montpensier doivent se prononcer sur la constitutionnalité de ces dispositions avant le 18 décembre selon l’article 23-10 de l’ordonnance de 1958 régissant le fonctionnement du Conseil constitutionnel.
Les dispositions en question ont été contestées dans le cadre d’un recours contre la circulaire du ministère de l’Intérieur qui rappelle les conséquences du refus pour un officier d’état civil de célébrer un mariage. Les requérants soulèvent que les trois articles du Code civil et l’article du CGCT sont inconstitutionnels en cela qu’ils ne reconnaissent pas la liberté de conscience du maire.
Pour qu’une QPC passe le mécanisme de « double filtre », c'est-à-dire à la fois le filtre du Conseil d’État (ou de la Cour de cassation), puis le filtre du Conseil constitutionnel, elle doit affirmer qu’une disposition législative porte atteinte à un droit ou une liberté garantie par la Constitution, que cette disposition législative n’ait pas déjà fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, qu’elle soit applicable au litige et qu’elle soit nouvelle ou sérieuse. En l’espèce, le Conseil d’État a transmis la question en soulignant son caractère nouveau, sans examiner son caractère sérieux.
Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une question est nouvelle lorsque les sages ne se sont pas prononcés à son propos.
En ne se prononçant pas sur le caractère sérieux, il nous semble que le juge administratif laisse une porte de sortie ouverte au Conseil constitutionnel. En effet, la liberté de conscience est un concept permettant de défendre la liberté religieuse, comme en témoigne l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977 relative à la liberté d’enseignement. Or le maire, agissant comme agent de l’État dans ses missions d’officier d’état civil, est tenu à un respect de la laïcité, notion particulièrement à la mode aujourd’hui mais également protéiforme !
Le juge constitutionnel pourra soit retenir la conception actuelle de la liberté de conscience, et ainsi l’écarter, soit en étendre la portée, en l’entendant comme un élément constitutif de la liberté individuelle, et déclarer l’inconstitutionnalité des dispositions.
Sources :
- CE, 18 septembre 2013, n° 369834
- Circulaire du 13 juin 2013 relative aux conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d'un officier d'état civil
- « Mariage pour tous, délégation et clause de conscience : deux initiatives //versus// une circulaire » – La Lettre Légibase État civil n° 33