Nom de famille masculinisé ou féminisé : l’état civil peut-il appliquer la loi du genre ?
(Rodion) Romanovitch Raskolnovikov, personnage principal du roman de Fédor DostoïevskiCrime et Châtiment, a une sœur : (Advotia) Romanovna Raskolnikova, ce dernier patronyme étant la version féminine de Romanovitch Raskolnovikov, comme (Eugène) Vassiliev Bazarov, nom de famille de l’étudiant nihiliste de Père et fils, d’Ivan Tourgueniev, est la version masculine d’(Arina) Vlassievna Bazarova, sa mère. Les noms de famille russes ont en effet cette particularité d’être déclinés en deux versions : la masculine et la féminine.
Or, souligne le sénateur Aymeri de Montesquiou, dans une question écrite à la ministre de la Justice, les services de l’état civil français refusent « de masculiniser le nom de famille d’un garçon né en France dont la mère provient d’un pays où il existe des terminaisons différentes pour les noms de famille portés par les hommes et ceux portés par les femmes », citant le cas d’une ressortissante russe portant le nom Makarova, fille de Makarov : « Un garçon né d’une mère russe de ce nom doit figurer comme Makarova dans le livret de famille » relève le parlementaire.. Idem dans le cas contraire. Question du sénateur : « Que compte faire le Gouvernement pour remédier à ce préjudice ? » « Si l’enfant est issu d’au moins un parent français, la loi française est applicable devant l’officier de l’état civil français », répond le ministère, qui précise : « En cette hypothèse, le nom dévolu à l’enfant, qu’il s’agisse du nom du père, de celui de la mère ou des deux noms accolés dans l’ordre choisi par les parents, correspond à celui qui figure sur les extraits d’actes de l’état civil du parent étranger qui lui transmet son nom, sans modification ». Autrement dit, l’officier de l’état civil ne peut pas adapter un nom étranger sur l’acte de naissance d’un enfant en fonction de son sexe, par exemple en inscrivant la version masculine du nom russe pour un garçon ou bien encore le prénom du père suivi de l’indication « fille de » ou « fils de » dans la tradition scandinave.Toutefois, ajoute le ministère, il est toujours possible de recourir à la procédure de changement de nom, prévue à l’article 61 du Code civil, lequel spécifie : « Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de nom », à condition d’en apporter la preuve. S’agissant des enfants nés en France, de nationalité étrangère, « la situation est différente », indique le ministère : « L’officier de l’état civil peut appliquer la loi étrangère à la demande des parents, sous réserve que ces derniers apportent la preuve de la nationalité étrangère de l’enfant et du contenu de leur loi personnelle au moyen d’un certificat de coutume indiquant le nom sous lequel l’enfant doit être enregistré à l’état civil ». Moyennant quoi l’enfant peut « être désigné dans l’acte de naissance par un nom correspondant à la version masculinisée ou féminisée du nom de son parent ». Sources :