Une concubine ayant pris une concession funéraire en son seul nom, sans avoir eu l'accord des enfants du défunt, peut-elle s'opposer à la demande d'exhumation de l'urne du défunt ?

Par Fricenel Exantus

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Les enfants souhaitant faire reposer leur défunt dans un cimetière ou le défunt aurait exprimé ou laisse supposer cette volonté.

Le maire du village ne s'y oppose pas, mais demande cette attestation d’accord par la concubine.

Lorsqu’elles disposent de terrains suffisants au sein de leurs cimetières, les communes peuvent établir des concessions de terrains destinées à la création de sépultures (CGCT, art. L 2223-13). Celles-ci peuvent être de durées différentes, précisées à l’article L. 2223-14 du Code général des collectivités territoriales ; à savoir 15 ans au plus, 30 ans, 50 ans, ou sans limitation de durée. La commune n’est pas obligée d’instituer toutes les durées prévues par le code mais peut en combiner plusieurs parmi lesquelles les concessionnaires pourront choisir.

En fonction des personnes pouvant y être inhumées, les concessions ont été classées par la jurisprudence administrative en trois catégories : les concessions individuelles, les concessions familiales, et les concessions collectives.

Les concessions dites individuelles sont destinées à accueillir le corps d’une seule et unique personne qui sera désignée dans le contrat de concession. En dehors de cette personne, nulle autre ne pourra être inhumée dans la sépulture. Cependant, lorsque le concessionnaire n’est pas la personne inhumée dans la concession, celui-ci a la possibilité de modifier le contrat signé avec la mairie afin de modifier le type de concession en la transformant en concession collective ou familiale (CAA Versailles, 6 juill. 2010, n° 08VE02943).

Lorsque la concession est destinée à accueillir la dépouille de plusieurs personnes nommément désignées dans le contrat, elle sera qualifiée de collective. Dans ce type de concession, seules les corps des personnes désignées dans le contrat auront le droit d’être inhumées dans la sépulture, sauf volonté contraire du concessionnaire vivant.

Les concessions familiales sont quant à elles destinées à accueillir les corps du concessionnaire ainsi que des membres de sa famille (conjoint, partenaire, enfants, ascendants, descendants et alliés). Cependant, de son vivant, le concessionnaire a la possibilité d’y autoriser l’inhumation des personnes étrangères à sa famille ou d’y exclure des membres qui disposaient initialement du droit à inhumation dans la sépulture (CE, sect., 11 oct. 1957, Consorts Hérail). Il est ainsi le régulateur de ce dernier droit qu’il peut moduler à sa convenance.

Après le décès du concessionnaire, la gestion des concessions est transférée à ses héritiers qui peuvent la renouveler le cas échéant, sans pour autant pouvoir modifier la nature initialement voulue par le fondateur, ou prendre des décisions unilatérales qui aboutiraient au même résultat (exemple : inhumation du corps d’une personne non prévue dans une sépulture collective). En tout état de cause, la volonté du concessionnaire (titulaire et co-contractant de la commune) doit être respectée après le décès de celui-ci (voir notre article « Concessions funéraires : attention à ne pas confondre concessions collective et familiale »).

Par ailleurs, une fois inhumé dans une sépulture, la famille ou les proches d’un défunt ont la possibilité de revenir sur la décision prise concernant le lieu d’inhumation et procéder au retrait des restes ou des cendres de celui-ci. Cette opération, appelée « exhumation » dans le domaine funéraire, est strictement encadrée par le CGCT car elle peut aboutir à priver certains proches du défunt du droit de se recueillir sur la sépulture de celui-ci.

Ainsi, l’exhumation est autorisée par la mairie du lieu où se trouve la sépulture de laquelle les restes mortels (ou les cendres) doivent être exhumés, à la demande du plus proche parent de la personne défunte qui doit justifier de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande (CGCT, art. L.2213-40).

La notion de plus proche parent n’est pas définie par le Code général des collectivités territoriales, ni le Code civil. Elle est mentionnée dans l’instruction générale relative à l’état civil (IGREC) du 11 mai 1999 qui propose à titre indicatif un classement des personnes présumées être les plus proches du défunts (rubrique 426-7) : conjoint, enfants, parents, frères et sœurs…un classement qui peut être bouleversé par les juges saisis en cas de remise en cause du choix du lieu de la dernière demeure du défunt (civ. 1re, 14 avr. 2010 ; CA Angers, 26 avr. 2019, n° 19/00815).

Sauf à prouver que la volonté de leur défunt-père n’a pas été respectée concernant le lieu d’établissement de sa sépulture, les enfants du défunt ne pourront pas obtenir l'exhumation de l'urne contenant les cendres de la sépulture créée par la concubine, en cas d’opposition de cette dernière (Rép. min. n° 08653, JO Sénat 9 janv. 2020).

En cas de conflit connu entre les potentiels proches parents du défunt, la mairie saisie doit refuser l’exhumation et inviter la famille à saisir le juge judiciaire afin que celui-ci tranche le différend familial (TA Amiens, 17 juin 2010, M. et Mme Soriano Barberao, n° 0702811 ; CAA de Nantes, 20 sep. 2013, M. Perrigault, n° 12NT00236). À défaut, sa responsabilité pourra être engagée (TA Amiens, 23 mai 2005, n° 0400344, David Marquet).