Trois questions à ... Maître Caroline Mécary
Maître Caroline Mécary est l'avocate des familles ayant obtenu gain de cause devant le TGI de Nantes.
À quels problèmes sont actuellement confrontés les enfants nés d’une GPA à l’étranger et leurs parents d’intention ? Tous les enfants dont les administrations suspectent qu’ils sont nés dans le cadre d’une gestation pour autrui et indépendamment de l’orientation sexuelle de leurs parents sont confrontés aux mêmes difficultés. Le procureur de Nantes refuse la transcription de leur acte de naissance étranger sur le registre de l’état civil. Ce refus a pour conséquence, dans la pratique, que toutes les administrations et notamment les préfectures refusent de délivrer le passeport ou la carte nationale d’identité qui sont demandés. De même, sans transcription, les parents ne peuvent pas obtenir un livret de famille sur lequel leur enfant est inscrit. En d’autres termes, sans la transcription, l’enfant est privé de tous les documents officiels qui incarnent sa citoyenneté et sa nationalité, éléments pourtant essentiels de leur identité. Inversement, que permet la transcription sur les registres français des actes de naissance d’enfants nés d’une GPA à l’étranger ? Quels droits ouvre-t-elle ? Dans l’intérêt de l’enfant, il ne fait pas de doute qu’il faille transcrire l’acte de naissance sur le registre de l’état civil car cette transcription est, dans la pratique, une reconnaissance officielle de sa filiation qui est établie par son acte de naissance étranger. La reconnaissance officielle de cette filiation lui permet de porter le nom de ses parents, d’être leur héritier et d’être protégé par l’autorité parentale qui est une protection exercée, par les parents, dans son seul intérêt. Cette reconnaissance est également décisive dans son rapport avec les tiers, comme les administrations qui devront délivrer les documents d’identité auquel a droit tout citoyen français. Le fait que la filiation soit reconnue grâce à la transcription permet de revendiquer la nationalité car est Français l’enfant né de parents français (C. civ., art. 18) et par voie de conséquence d’obtenir des documents d’identité officiels. La transcription lui confère une reconnaissance qui assure sa protection juridique, ce qui est bien dans son intérêt exclusif. Ne pas transcrire revient à créer les nouveaux « bâtards de la République », c'est-à-dire des enfants discriminés dès leur naissance en raison de leur mode de conception et ce, en totale violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. La CEDH a déjà jugé qu’une différence de traitement juridique entre les enfants légitimes et adultérins en matière de succession était une violation de la Convention européenne des droits de l’Homme en 2001 dans son arrêt Mazurek. Que pensez-vous des positions actuellement adoptées par la Garde de Sceaux ? La position de la Garde des Sceaux est parfaitement conforme aux règles de droit applicables à la question de la transcription et qui résultent, notamment, de deux arrêts de la CEDH du 26 juin 2014 (Mennesson et Labassée). Ces arrêts sont définitifs depuis le 26 septembre 2014 et toutes les autorités françaises doivent les appliquer (Conv. EDH, art. 46). Cette obligation d’appliquer immédiatement une décision de la CEDH est régulièrement rappelée par la Cour de cassation (Cass, Plén., 15 avril 2011, n° 10-30316). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d’État a validé le 12 décembre 2014 la circulaire dite « Taubira » relative à la délivrance des certificats de nationalité et que tout récemment le tribunal de grande instance de Nantes, dans trois jugements du 13 mai 2015, a ordonné au procureur de Nantes de transcrire les actes de naissance étrangers et l’a condamné à rembourser les frais d’avocat des justiciables. Certes le procureur de Nantes a interjeté appel de ces jugements, de sorte que la cour d’appel de Rennes est saisie des dossiers. Mais le procureur feint d’ignorer que la cour s’est déjà prononcée en décembre 2014 sur cette question de transcription. Dans sa décision, elle ordonne la transcription en suivant la jurisprudence posée par les arrêts de la CEDH du 26 juin 2014. Il n’y a aujourd’hui pas de raison qu’elle se déjuge lorsqu’elle examinera les trois appels. Propos recueillis par Guillaume Landais