La France sanctionnée par la CEDH en matière de changement de sexe à l’état civil pour la dernière fois ?

Par Anaïs Danède

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Dans un arrêt récent en date du 6 avril 2017, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France en raison des conditions imposées pour autoriser un changement de la mention du sexe à l’état civil. En effet, avant la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 (loi J21), le demandeur d’un changement de la mention de son sexe à l’état civil devait prouver qu’il avait subi une opération ou un traitement hormonal entraînant une très forte probabilité de stérilité. La CEDH a considéré que ces contraintes violaient le droit au respect de la vie privée telle que défini par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La Cour avait été saisie par trois ressortissants français, A.P., E. Garçon et S. Nicot, qui s’étaient vus refuser leur demande de changement de sexe à l’état civil par les juridictions françaises. Ces demandes avaient été respectivement déposées en 2008, 2009 et 2007 et à cette époque, les conditions du changement de sexe à l’état civil étaient fondées sur deux arrêts de la Cour de cassation du 11 décembre 1992. Il fallait notamment que les personnes transgenres et transsexuelles aient subi une opération ou un traitement stérilisant de changement physique de sexe pour se voir accorder le changement de sexe à l’état civil. Or, les requérants exposaient à la CEDH qu’une telle opération, subie contre leur volonté, portait notamment atteinte au droit au respect de leur vie privée garanti par l’article 8.

La justice française n’avait pas accédé à la demande de A. P. car il avait refusé de se soumettre à une expertise médicale, alors qu’il avait fourni plusieurs certificats médicaux dont l’un attestait d’une opération de réassignation sexuelle. Concernant E. Garçon et S. Nicot, la justice refusait d’accéder à leurs demandes en considérant qu’ils n’avaient pas prouvé l’effectivité de leur changement de sexe.

La CEDH, dans son arrêt du 6 avril, a d’abord jugé qu'imposer la réalisation d’une opération ou d’un traitement stérilisant aux personnes transgenres ne souhaitant pas le subir portait une atteinte grave à leur droit au respect de l’intégrité physique. L’État français avait donc manqué à son obligation positive de garantir le droit au respect de la vie privée puisque les personnes transgenres devaient obligatoirement avoir recours à une opération ou un traitement de réassignation sexuelle irréversible pour se voir accorder le changement de leur sexe à l’état civil.

Toutefois, la CEDH considère que le fait pour l’État français d'exiger la preuve de la réalité du « syndrome transsexuel » (CEDH, communiqué de presse CEDH 121 (2017) du 6 avr. 2017) ne porte pas atteinte à la dignité des personnes et ne constitue donc pas une violation de l’article 8 de la Convention. De plus, elle rappelle que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation quant à l’exigence ou non d’une telle condition pour autoriser un changement de sexe.

Il en est de même en matière d’administration de la preuve et c’est pour cela que la Cour estime que le fait de subir une expertise médicale n’est pas une ingérence grave dans l'exercice du droit des requérants au respect de leur vie privée.

Bien que la CEDH ait constaté que la France a commis une violation du droit au respect de la vie privée des requérants, la législation française n’aura pas besoin d’être réformée. En effet, l’article 61-6 du Code civil créé par la loi J21 dispose que « le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande » de changement de la mention du sexe à l’état civil.

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