Le rôle de l’officier d’état civil dans la procédure de changement de prénom pour motif légitime
La loi n° 2016-1547 de modernisation de la Justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 a transféré vers les mairies la procédure de changement de prénom jusque-là du domaine du juge aux affaires familiales. Sa circulaire d’application du 17 février 2017 est venue en préciser la mise en pratique.
Nous allons voir dans un premier temps comment s’effectue la demande et quelles sont les pièces à fournir par l’intéressé (1). Dans un second temps, nous verrons le rôle de l’officier d’état civil dans le traitement de ladite demande et de la décision qui en découle (2).
1. Mise en œuvre de la procédure
Toute personne qui a un intérêt légitime peut demander à changer de prénom(s). Les modifications, adjonctions ou suppression d’un ou plusieurs prénoms, de même que le changement de l’ordre des prénoms sont également possibles.
Elle doit pour cela s’adresser à la mairie de son domicile ou à la mairie de son lieu de naissance. Cette double possibilité de lieux de dépôt permet de faciliter la démarche de l’intéressé en lui évitant des déplacements parfois longs et coûteux.
Pour être recevable, le dossier doit être déposé en main propre à l’officier d’état civil concerné. Toute demande effectuée par courrier, fax ou courriel doit être refusée.
Si la demande concerne un mineur ou un majeur sous tutelle, ce sont les représentants légaux qui doivent effectuer le dépôt du dossier aux noms des personnes concernées.
Un certain nombre de documents sont nécessaires afin de permettre à l’officier d’état civil de traiter le dossier :
- formulaire type de demande approprié à la situation de l’intéressé : majeur, majeur sous tutelle, mineur de moins de 13 ans et mineur de 13 ans ou plus ;
- copie intégrale de l’acte de naissance de l’intéressé(e) datant de moins de 3 mois ;
- pièce d’identité de l’intéressé(e) en cours de validité. Il est entendu par pièce d’identité, tous documents délivrés par une administration publique comportant ses nom et prénom(s), date et lieu de naissance, sa photographie et sa signature ainsi que l’identification de l’autorité qui a établi le document ;
- justificatif de domicile récent. Si l’intéressé est hébergé, il devra fournir un justificatif de domicile au nom de ce tiers ainsi qu’une attestation sur l’honneur de ce dernier indiquant que l’intéressé y a bien sa résidence effective ;
- tous documents permettant de justifier de l’intérêt légitime de la demande (ex : pièces relatives à l’enfance ou la scolarité de l’intéressé, à sa vie professionnelle ou administrative ou encore à sa vie personnelle, etc.).
Des pièces supplémentaires sont nécessaires dans certains cas :
- pour l’enfant mineur, les pièces d’identité en cours de validité des représentants légaux sont nécessaires et s’il a 13 ans ou plus, son consentement écrit (soit sur feuille libre, soit par sa signature sur le formulaire type) est exigé ;
- en ce qui concerne le majeur sous tutelle, outre la pièce d’identité en cours de validité du tuteur, une copie de la décision du juge des tutelles ou de la cour d’appel ayant désigné le tuteur comme représentant légal de l’intéressé doit être présentée.
La procédure de changement de prénom(s) est également ouverte aux personnes de nationalité(s) étrangère(s), qu’elles soient en possession ou non d’un acte de l’état civil français.
Par contre, une restriction existe lorsque la demande émane d’un ressortissant étranger qui possède exclusivement la nationalité d’un des États suivants : Autriche, Espagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Allemagne et Turquie. Dans ce cas, l’officier d’état civil doit refuser de recevoir le dossier.
L’intéressé doit fournir, en plus des documents prévus pour un ressortissant français, les pièces suivantes :
- copie intégrale de l’acte de naissance datant de moins de 6 mois, éventuellement légalisé ou apostillé, accompagné de sa traduction par un traducteur assermenté auprès d’une cour d’appel ou de la cour de cassation ;
- justificatif de sa nationalité ;
- certificat de coutume faisant état des dispositions étrangères applicables au prénom et à la procédure de changement de prénom.
2. Traitement de la demande
Il appartient à l’officier d’état civil auprès duquel la demande a été déposée de l’instruire même s’il n’est pas dépositaire de l’acte de naissance de l’intéressé(e).
La difficulté réside dans le fait de savoir quels sont les motifs qui peuvent être retenus comme présentant un caractère légitime. Pour cela, la circulaire du 17 février 2017 vient lister de manière non exhaustive certaines situations issues de la jurisprudence et qui ont été retenues par les tribunaux car répondant à des critères de légitimité :
- usage prolongé d’un prénom autre que celui figurant à l’état civil ;
- intégration sociale au moyen d’un prénom français ;
- suppression d’un prénom jugé ridicule ;
- association prénom/nom de famille jugée ridicule ;
- difficultés liées au port d’un prénom français non reconnu par certains états civils étrangers ;
- adjonction ou suppression d’un tiret entre deux prénoms suite à un usage prolongé ;
- retour à son prénom d’origine lorsque sa suppression n’a pas résulté de la volonté individuelle du demandeur (ex : modification du prénom dans le cadre d’une adoption) ;
- retour au prénom d’origine après adoption d’un prénom français suite à naturalisation ;
- perpétuation d’une coutume familiale ou respect des origines personnelles du demandeur ;
- transsexualisme du demandeur.
Dans tous les cas, l’officier d’état civil est appelé à exiger la production d’un maximum de documents qui lui permettront de vérifier le bien-fondé de la demande et l’aideront à prendre sa décision. Il peut également auditionner l’intéressé(e) s’il l’estime nécessaire.
Deux situations peuvent alors se présenter :
- l’officier d’état civil autorise le changement de prénom et en informe l’intéressé. Il porte la décision sur le registre des naissances à la suite des actes déjà établis et il envoie également les avis de mentions aux différentes mairies dépositaires des actes de l’état civil devant être mis à jour. Les libellés de ces mentions sont prévus à l’annexe 12 de la circulaire du 17 février 2017 ;
- l’officier d’état civil estime que la demande ne revêt pas un caractère légitime. Dans ce cas, il saisit le procureur de la République et en informe l’intéressé.
Après examen du dossier, le procureur a deux possibilités :
- soit il ne s’oppose pas à la demande, et il donnera les instructions nécessaires à l’officier d’état civil pour que la décision soit portée sur le registre d’état civil ;
- soit il s’oppose au changement de prénom et il notifiera à l’intéressé sa décision motivée par tous moyens. Ce dernier pourra déposer un recours auprès du juge aux affaires familiales dans le cadre d’une procédure contentieuse, c’est-à-dire nécessitant la présence d’un avocat.
Sources :
- Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle
- Décret n° 2017-450 du 29 mars 2017 relatif aux procédures de changement de prénom et de modification de la mention du sexe à l'état civil
- Circulaire du 17 février 2017 de présentation de l’article 56 de la loi no 2016-1547