La légalisation et l’apostille notariales sont désormais inscrites dans une ordonnance !
La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siècle l’avait prévu. La loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice l’avait inscrite dans son article 16, I et renvoyait à une ordonnance, qui vient d’être publiée.
Cette ordonnance no 2020-192 est l’occasion de rappeler le principe de l’apostille, la genèse de cette évolution et le principe désormais établi de la compétence des notaires concernant les actes publics établis par une autorité française et destinés à être produits à l’étranger.
Cette ordonnance ne concerne pas la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France (art. 16, II de la loi précitée).
1. Rappel du principe et genèse de l’évolution
1.1. Rappel du principe de l’apostille
L’apostille désigne la procédure de légalisation simplifiée instaurée par la convention de La Haye du 5 octobre 1961 ratifiée par la France en 1965 (pt. 12 : convention supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers). Pour les États signataires, l’objectif est de faciliter la circulation des actes publics émanant d’un État et devant être produits dans un autre.
Si l’État étranger n’est pas signataire de cette convention, l’administré doit s’adresser au bureau des légalisations du ministère des Affaires étrangères (IGREC, nos 589 et 590).
La France a par ailleurs signé une trentaine de conventions bilatérales aux termes desquelles les actes publics établis dans l’un des deux pays sont admis sur le territoire de l’autre sans nécessité de légalisation.
La procédure d’apostille en France concerne les actes français que l’administré doit transmettre à un État étranger. Ces actes sont de différentes natures, actes publics ou sous seing privé tels les actes d’état civil de moins de trois mois, notariés, administratifs, judiciaires, commerciaux, etc.
Certains actes ne peuvent être apostillés comme les documents établis par les agents diplomatiques ou consulaires et documents administratifs ayant trait directement à une opération commerciale ou douanière telles les licences d’importation ou d’exportation.
D’autres peuvent être apostillés à condition d’avoir été vérifiés par un établissement ou un organisme ayant autorité sur le sujet. Par exemple, le Conseil national de l’ordre des médecins pour un certificat médical, ou une Chambre de commerce et d’industrie pour un acte à caractère commercial ou industriel.
Cette formalité permet de s’assurer de la véracité de la signature et de la qualité de l’auteur du document concerné et, le cas échéant, de l’identité du timbre et du sceau dont cet acte est revêtu. La délivrance de l’apostille correspond seulement à une certification matérielle de la signature et de la qualité du signataire et non pas à un certificat de véracité du contenu du document ni de conformité à la loi française.
L’apostille peut être apposée sur un document original (certification de la signature de celui qui a délivré l’original) ou une copie (certification de la signature de celui qui a délivré la copie).
L’apostille peut également être délivrée sur un document traduit sous réserve que la demande s’accompagne de la certification de la signature du traducteur, de manière à l’identifier. Comme précisé ci-dessus, l’apostille ne préjuge en rien de la qualité de la traduction.
L’apostille est délivrée gratuitement par la cour d’appel (plus précisément par le procureur général) dans le ressort de laquelle les documents ont été établis, en dehors des situations particulières (compétence exclusive de la cour d’appel de Rennes pour la demande d’apostille sur un extrait de casier judiciaire et celle de Paris pour la demande d’apostille sur un certificat de non-pourvoi devant la Cour de cassation).
La Convention a établi un modèle unique d’apostille. Elle est accompagnée de la formule « L’apostille confirme seulement l’authenticité de la signature, du sceau ou timbre sur le document. Elle ne signifie pas que le contenu du document est correct ou que la République française approuve son contenu ».
Dans toutes les hypothèses, la demande d’apostille s’accompagne du nom de l’État étranger destinataire du document apostillé et des motifs précis de la demande.
Le refus d’apposition d’une apostille est motivé, mais n’est pas susceptible de recours.
1.2. La genèse de l’évolution
Aussi curieux que cela paraisse, le rapport au président de la République rappelle qu’aucun texte réglementaire ou législatif français n’encadre la délivrance des apostilles.
Ce même rapport rappelle également que chaque année, 230 000 actes publics destinés à l’étranger sont apostillés et 130 000 sont légalisés par le ministère des Affaires étrangères.
Outre un volume d’actes conséquent, ces formalités sont effectuées à la main à partir de registres de signature « papier », qui ne sont plus adaptés aux actes électroniques d’aujourd’hui et ne répondent plus aux attentes des particuliers comme des entreprises.
Si les procureurs sont censés détenir et collecter régulièrement les signatures, griffes et sceaux de tous les agents publics exerçant dans le ressort de la Cour d’appel où ils exercent, il apparaît que les registres de signature à vérifier ne sont pas forcément actualisés. Le système conduit souvent à une absence de contrôle effectif des actes.
Par ailleurs, la compétence des parquets généraux est limitée aux actes établis dans le ressort de leur cour d’appel, ce qui contraint l’usager devant apostiller plusieurs documents à s’adresser à des cours d’appel différentes.
Enfin, le réglement de l’Union européenne dit « légalisation des documents publics », applicable depuis le 16 février 2019, permet de dispenser de légalisation et d’apostille certains documents publics : actes d’état civil et relevés de casiers judiciaires vierges principalement.
Le cadre juridique actuel repose en conséquence sur une multiplicité de conventions différentes, y compris au sein de l’Union européenne.
2. Principe, actes concernés et moyens de cette nouvelle mission dévolue aux notaires
2.1. Principe
Dans la droite ligne d’une « déjudiciarisation » des procédures bien engagée depuis quelques années et afin de décharger les parquets généraux d’une tâche purement administrative, l’ordonnance confie exclusivement cette nouvelle fonction aux notaires. Le rapport précité évoquait plus largement les professions judiciaires, ce qui dépassait largement la seule fonction du notaire.
L’ordonnance prévoit que le président du conseil régional ou interrégional des notaires ou leurs délégués soit désigné par le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur du notariat, pour accomplir les formalités de la légalisation et de l’apostille sur les actes établis par une autorité française et destinés à être produits à l’étranger.
On précisera que le conseil régional des notaires est un établissement d’utilité publique composé de notaires et représentant l’ensemble des notaires du ressort de la cour d’appel pour leurs droits et intérêts communs. Il représente les notaires devant le Conseil supérieur du notariat et il veille à l’exécution de ses décisions. Il organise les relations entre notaires et les représente devant les juridictions si nécessaire.
L’ordonnance no 2020-192 du 4 mars 2020 modifie l’ordonnance du 2 novembre 1945, date de la création et de la mise en place du Conseil régional des notaires.
Les actes concernés sont principalement les actes d’état civil, les diplômes, les extraits Kbis, les actes notariés et certifications de signature d’actes notariés, les copies certifiées conformes par les mairies et chambres de commerce et d’industrie, les certificats vétérinaires ou sanitaires, les décisions judiciaires, ainsi que les documents nécessaires à la constitution d’un dossier d’adoption, comme l’agrément donné par le président du conseil départemental.
Pour l’usager, la « déjudiciarisation » de la démarche ne devrait pas poser de problèmes. Comme pour toute intervention d’un notaire, la délivrance de l’apostille deviendra probablement payante.
L’ordre des notaires se montre favorable à l’exercice de ces nouvelles prérogatives sous réserve toutefois de disposer des moyens pour les exercer correctement.
2.2. Les moyens de cette nouvelle mission
Le rapport précité a souligné l’importance de la constitution préalable d’un répertoire national des signatures publiques, indispensable « à la mise en place d’un process unique » pour la délivrance des formalités et de la mise en place d’un comité de pilotage interministériel pour réfléchir aux modalités du transfert de compétences, tant sur le plan législatif que technique.
L’article 2 de l’ordonnance prévoit en conséquence que « les autorités publiques transmettent les informations nécessaires à la constitution et l’actualisation d’une base de données nationale des signatures publiques dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État ».
Cette base de données dématérialisée de spécimens de signature des autorités publiques (donc y compris les collectivités territoriales et les collectivités de l’article 74 de la Constitution) sera interrogée préalablement à la délivrance des formalités. La comparaison par voie électronique de l’identité et de la qualité de l’autorité publique ayant délivré l’acte avec les données figurant dans cette nouvelle base permettra aux notaires de s’assurer de l’authenticité des signatures. Cette base de données se substituera aux multiples bases de données existantes et permettra d’accélérer et sécuriser la délivrance des formalités.
Les e-légalisations ou les e-apostilles devront remplacer progressivement l’usage du papier et les déplacements vers des guichets physiques.
Le principe et la constitution de cette base de données sont en attente, comme le prévoient les articles 1 et 2 de l’ordonnance, d’un décret en Conseil d’État et sans doute d’arrêtés ministériels. Le décret d’application devrait être publié avant l’été 2020.