Une nouvelle condamnation de la France par la CEDH pour refus de transcription de la filiation d’un enfant né d’une GPA à l’étranger
Les juges de Strasbourg ont à nouveau condamné la France pour refus de transcription à l’état civil du lien de filiation biologique d’enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui, en jugeant, le 21 juillet 2016, à l’unanimité, que la France a violé leur droit au respect de la vie privée (prévu à l’article 8 de la Conv.EDH).
Symboliquement importants, les prononcés dans les dossiers Foulon et Bouvet méritent attention aujourd’hui. Les deux requérants de ces affaires tentaient depuis plusieurs années d’obtenir devant les tribunaux français la transcription à l’état civil des actes de naissance indiens de leurs enfants nés d’une mère porteuse indienne et d’un père français. M. Foulon réclamait la reconnaissance de sa fille née à Bombay en 2009 et M. Bouvet celle de ses deux jumeaux nés en 2010 également à Bombay. Tandis que le recours à la GPA est autorisé au Royaume-Uni, dans quelques Etats des Etats-Unis, au Canada et en Inde, il reste prohibé en France et est sanctionné par des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Puisque le politique ne se décide toujours pas à faire évoluer la question, grandissante en jurisprudence, de la transcription à l’état civil d’enfants nés sous GPA, c’est à la jurisprudence qu’il revient de trancher au cas par cas. Et les tribunaux français ont rendu plusieurs décisions dont un rappel s’avère nécessaire pour comprendre la décision aujourd’hui commentée. Le 13 septembre 2013, la Cour de cassation française justifiait le refus de transcription à l’état civil d’actes de naissance étrangers en jugeant que « la naissance est l’aboutissement d’une fraude car la gestation pour autrui est interdite en France ». Pour atténuer le contentieux, le gouvernement français proposait aux familles la somme de 30 000 euros, lesquelles refusaient, se portant devant la CEDH. En même temps, une circulaire était adressée par la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, en faveur de la transcription à l’état civil du lien biologique d’enfants nés sous GPA. L’avancée majeure date de juin 2014 dans les affaires Mennesso et Labassé. La CEDH subtilement, ne se substituant pas au législateur national, admis que la France puisse interdire le recours à la gestation pour autrui d’enfants nés par mère porteuse aux Etats-Unis mais l’obligea à les reconnaître car « le refus de transcription à l’état civil porte atteinte à l’identité des enfants au sein de la société française ».
Le gouvernement français décompte aujourd’hui que 34 transcriptions d’actes de naissance étrangers ont eu lieu entre la condamnation de juin 2014 et le 1er janvier 2016. Il s’agit là d’une réalité à prendre « juridiquement » en compte. En refusant de transcrire à l’état civil ces actes de naissances, l’État français laisse sur son territoire des enfants avec des papiers étrangers cela leur causant des problèmes. Pénaliser des enfants du fait de leur mode de conception c’est, pour la Cour, négliger leur « identité » et violer la Conv.EDH. Suite à cette affaire, les juridictions françaises ont fait évoluer leur jurisprudence. Le 3 juillet 2015, la Cour de cassation a accordé la transcription à l’état civil d’actes de naissances d’enfants nés de mère porteuse en Russie.
Dans les affaires Foulon et Bouvet, il était question de reconnaître des enfants nés de pères biologiques et de mères porteuses Indiennes. Il n’était pas même question d’un père d’intention car c’est cela qui, aujourd’hui, pose problème en jurisprudence. Lorsqu’il y a un seul père mentionné sur l’acte de naissance ou un père et une mère porteuse ou bien un acte qui fait état d’un couple d’hommes avec un père d’intention ayant adopté l’enfant après sa naissance ; il n’y a aucun problème de transcription du lien de filiation. En revanche, la reconnaissance d’un parent non biologique pose difficulté en ce que la structure dite « traditionnelle » de la famille vient être modifiée.
Caroline Mécary, avocate et conseil de MM. Foulon et Bouvet, estime que la « filiation n’est pas une question biologique ». Selon elle, « la transcription partielle du seul parent biologique n’est pas tenable au regard du respect au droit à la vie privée et familiale. C’est une interprétation restrictive ». Elle félicite l’avancée de la décision de la Cour mais regrette qu’une fois de plus la Cour européenne des droits de l’Homme « rappelle à la France le nécessaire respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ».
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