Le refus de permis de séjour pour raison familiale opposé au concubin homosexuel est une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme

Par Barbara Barisain Monrose

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Le 30 juin 2016 la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a jugé, par six voix contre une, qu’est discriminatoire le refus d’octroyer un permis de séjour pour raison familiale au concubin homosexuel et viole l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (Conv.EDH).

Les requérants, un couple homosexuel, étaient de nationalité italienne et néozélandaise. En 2003, ils décident de s’installer en Italie. Le concubin néozélandais demanda dans un premier temps une carte de séjour temporaire pour étudiant. Par la suite, il souhaite un permis de séjour pour raison familiale. En 2004, les autorités italiennes refusent de lui octroyer sa demande au motif que les critères requis par la loi italienne n’étaient pas remplis. Le critère faisant défaut était celui de « membre de la famille » lequel est constitué soit par un époux, soit par un enfant majeur ou mineur, soit par un parent à charge. La loi italienne ne permettant pas aux couples homosexuels de se marier, le concubin néozélandais ne pouvait pas acquérir le statut de « membre de la famille ». Les requérants se pourvurent jusqu’en cassation italienne mais aucune de leur demande n’aboutit. Ils choisirent de quitter l’Italie en 2009 pour aller vivre aux Pays-Bas où ils purent librement se marier en 2010. Ils saisirent alors la Cour européenne des droits de l’Homme et attaquèrent le gouvernement italien pour discrimination sur l’orientation sexuelle, fondée sur le refus d’octroyer le permis de séjour pour raison familiale. En effet, cela les a privés de leur droit à mener une vie privée et familiale puisqu’ils ont été contraint de partir aux Pays-Bas pour se marier et obtenir une reconnaissance juridique à leur union.

Le jugement de la Cour est la preuve qu’un consensus européen peut éclore en faveur des couples homosexuels. Contrairement à son dernier arrêt Charpin et Charpentier c. France du 9 juin 2016, où elle jugeait que l’annulation d’un mariage homosexuel n’était pas contraire aux droits de l’Homme, elle semble changer de position aujourd’hui en sanctionnant l’Italie pour avoir refuser un permis de séjour à un concubin homosexuel comme violant la Conv.EDH en son article 14 combiné avec l’article 8.

Revenons sur la démarche minutieuse de la CEDH. Elle commence par rappeler sa jurisprudence Schalk et Kopf c. Autriche, du 24 juin 2016, dans laquelle elle décidait « qu’un couple homosexuel cohabitant de facto de manière stable, relevait de la notion de vie familiale au même titre que celle d’un couple hétérosexuel se trouvant dans la même situation ». La Cour était confrontée au problème que les requérants, couple homosexuel, étaient traités de la même manière qu’un couple hétérosexuel non marié. Or, les situations étant sensiblement différentes, la loi italienne posait problème en ne distinguant pas entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels non mariés. Aussi elle cantonnait la notion de « membre de la famille » aux conjoints hétérosexuels qui, eux seuls, pouvaient se marier et obtenir ce statut.

La Cour observe d’abord que la situation du couple n’est pas analogue à celle d’un couple hétérosexuel non marié puisqu’il ne pouvait pas faire reconnaître juridiquement leur union en Italie aux fins de l’octroi du permis de séjour. Et c’est précisément l’absence de possibilité de reconnaissance légale de leur union qui les a placés dans une situation différente. Par conséquent, ils ne pouvaient pas être qualifiés d’époux par le droit national italien. Ainsi en appliquant la même règle aux couples hétérosexuels et aux couples homosexuels, peut-être bien dans le but de protéger la structure « traditionnelle » de la famille, l’Italie a soumis « les requérants à un traitement discriminatoire » fondé sur l’orientation sexuelle au regard de l’article 14 combiné avec l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. La Cour considère que la discrimination est fondée sur l’orientation sexuelle du couple parce qu’ils ont été traités comme un couple hétérosexuel non marié alors que ces derniers constituent une situation différente à la leur. Aucune justification objective et raisonnable n’était « de nature à justifier, dans les circonstances de l’espèce » d’un tel traitement. La Haute juridiction condamne les effets de ce refus qui a obligé l’intéressé à quitter le territoire italien et qu’il l’a empêché de continuer à vivre avec son concubin.

Cet arrêt a le mérite d’apporter plusieurs éclaircissements décisifs en la matière dont il convient désormais d’en préciser la portée.

Dans un premier temps la Cour rejette une interprétation restrictive de la notion de « membre de la famille » car elle était un obstacle « insurmontable » à l’octroi du permis de séjour pour raison familiale. Au contraire, elle prône une interprétation extensive de la notion de « vie familiale », et par la même de « famille ». La restriction est en effet considérée comme problématique pour la Cour compte tenu du niveau important d’immigration. Elle fait remarquer que la notion de vie familiale se dilue et qu’elle devient de plus en plus mesurée sur des liens « affectifs de fait ». Dès lors, même s’il ne peut bénéficier de reconnaissance juridique, un couple homosexuel stable sera considéré comme une famille. Il semblerait que la famille constitue aujourd’hui une « notion à géométrie variable dépendant de volontés individuelles ».

Dans un deuxième temps la Cour, s’érigeant en maitre de fil, marque le premier pas pour un consensus européen selon lequel en matière d’immigration les unions entre personnes de même sexe tendent à être reconnues comme une « vie familiale ».

Dans un dernier temps c’est l’institution maritale qui vient à être remodelée. En validant que les couples homosexuels qui n’ont pas la possibilité de se marier, ces couples doivent être traités comme des couples hétérosexuels ; la valeur du mariage s’affaiblie. Ainsi peut-on dire que l’institution du mariage acquière, au fur et à mesure, une fonction « utilitaire » et qu’elle n’est plus cette base fondatrice de la société.

 

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