GPA à l’étranger : naturalisation du père, du fils et de la fille aussi…

Par Antoine Cnudde

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Dans un récent arrêt, le Conseil d’État a adopté une solution intéressante concernant la modification d’un décret de naturalisation d’un père de deux enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, pour qu’ils bénéficient eux-mêmes de la nationalité française (CE, 31 juill. 2019, no 411984).

La gestation pour autrui (GPA) est toujours aussi formellement prohibée en France. En effet, l’article 16-7 du Code civil, qui présente un caractère d’ordre public (C. civ., art. 16-9), dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle. » Pourtant, chaque année, plusieurs enfants de parents français naissent à l’étranger grâce à ce procédé. Le droit ne peut ignorer ces enfants et cela a donné lieu à de nombreux débats judiciaires. Cet été, le Conseil d’État a rendu un arrêt no 411984 qui reflète bien l’état actuel de la position de l’État français sur cette question de société.

En l’espèce, un des deux pères de deux enfants nés aux États-Unis dans le cadre d’une convention de gestation pour autrui (GPA) venait d’être naturalisé français. Il a alors demandé au ministre de l’Intérieur la modification du décret de naturalisation pour faire bénéficier ses deux enfants de la nationalité française, comme le prévoit l’article 22-1 du Code civil. Faisant suite au refus du ministre, le père a saisi le Conseil d’État jugeant en premier et dernier ressort des recours dirigés contre le refus de modification d’un décret (CJA, art. 311-1 ; CE, ass., 20 déc. 1995, no 132183).

Deux enseignements sont à tirer de cet arrêt.

D’une part, statuant sur la question qui lui a été posée, le Conseil d’État fait droit à la demande du père de modifier le décret de naturalisation pour ne pas priver ses enfants de « l’effet qui s’attache en principe, en vertu de l’article 22-1 du Code civil » dont toutes les conditions sont remplies. En effet, pour les juges du Palais Royal, cette privation serait contraire au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la CEDH.

En revanche, d’autre part, rappelant la prohibition de toute convention de GPA en France ainsi que le caractère d’ordre public de cette règle, le Conseil d’État fait un obiter dictum et dit que le ministre aurait pu « dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont il dispose en la matière, refuser de faire droit à la demande de naturalisation [du père] en prenant en considération la circonstance que celui-ci avait eu recours à la gestation pour le compte d'autrui ».

Pour résumer, il s’agit là, sans doute, d’une vision assez claire de la position française sur la question de la GPA : elle est interdite et dans ces conditions, les personnes y ayant recours peuvent être « sanctionnées », notamment par un refus de naturalisation. Néanmoins, cette « sanction » ne saurait se répercuter sur les enfants eux-mêmes qui en l’espèce bénéficieront bien de la nationalité française.

Nous sommes toujours dans l’attente de la décision de la CEDH concernant la qualification de « parent d’intention » dans le cas d’un couple homosexuel. Nul doute que l’on n’a pas fini de parler des débats judiciaires autour de la gestation pour autrui.