Que faire lorsqu'aucun titre de concession ne peut être retrouvé ?

Par Fricenel Exantus

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Une famille me demande le droit d'inhumation dans une concession très ancienne (inhumation en 1958) ; ni la commune ni les ayants droits ne retrouvent de titre de concession. Comment pouvons-nous faire ? et quelle peut être la procédure pour justifier du droit à inhumation dans cette concession (enfants du titulaire supposé et petits enfants de la personne inhumée) ?

Malgré la réforme régulière du droit funéraire par le législateur (loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 dite « loi Sueur », loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, loi n° 2015-177 du 16 février 2015, loi dite 3DS), la pratique des opérations funéraires n’est pas sans difficulté pour les différents intervenants du secteur, dont les communes.

La complexité du droit funéraire a pour conséquence une mise en œuvre dont la rigueur n’est pas toujours la caractéristique principale. L’application des règles entourant les concessions funéraires par les communes peut être citée comme illustration.

L’article L. 2223-13 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux ».

Cet article sert de fondement à la création des concessions funéraires par les communes, afin de permettre aux familles de disposer de sépultures plus pérennes.

En effet, même si le recours à l’inhumation en terrain concédé est devenu systématique, le fait pour les communes d’offrir la possibilité d’acquisition d’une concession ne relève pas d’une obligation légale mais plutôt d’un choix. L’article L. 2223-13 du CGCT, mentionné ci-dessus, précise que les communes « peuvent » instituer des concessions, destinées à la création de sépultures, dans le cas où l’étendue de leurs cimetières le permet. En matière de terrain destiné à l’inhumation des personnes, l’obligation imposée à toutes les communes par le CGCT est de disposer au moins d’un cimetière comprenant un terrain, appelé « terrain commun », consacré à l’inhumation des morts (CTCG, art. L. 2223-1 et L. 2223-2), ou « carré des indigents » (TA Lille, 11 mars 1999, Kheddach c/ commune de Maubeuge). Les communes de 2000 habitants et plus doivent, quant à elles, disposer, en plus, d’un site cinéraire (exemple d’équipements : columbariums et espace de dispersion des cendres) destiné à accueillir les cendres des personnes décédées dont les corps (ou les restes) ont été crématisés.

Les concessions créées par les communes peuvent être de durées différentes précisées par l’article L. 2223-14 du CGCT : de quinze ans au plus, de 30 ans, de 50 ans, et perpétuelles, sans l’obligation de toutes retenir parmi l’offre de concessions.

Un autre classement issu de la jurisprudence et de la doctrine administrative distingue les concessions en fonction des personnes pouvant y être inhumées, un classement basé sur le droit à inhumation. Elles sont qualifiées de « familiales » lorsqu’elles sont destinées à accueillir les corps du concessionnaire (le créateur de la sépulture, et titulaire du contrat de concession) et des membres de sa famille (héritiers). Lorsqu’elles sont destinées à accueillir un seul et unique corps pouvant être celui du concessionnaire ou d’une autre personne, elles sont dites « individuelles ». Enfin, lorsqu’elles sont destinées à l’inhumation de personnes nommément désignées dans le contrat, on parlera de concessions collectives.

Par ailleurs, au moment de son acquisition, le titulaire de la concession (co-contractant de la commune) reçoit un titre de concession (son exemplaire du contrat rédigé en trois exemplaires, souvent sous la forme d’un arrêté, dont l’un est conservé par la ville et l’autre communiqué au receveur municipal pour le paiement). Le titre de concession reçu par le fondateur de la sépulture lui permettra de faire valoir ses droits (ou ceux de ses ayants droits après son décès) sur le terrain concédé.

Le titre de concession ayant été rédigé en trois exemplaires, celui-ci devrait en principe pouvoir être présenté par la famille, ou retrouvé dans le fond de dossier funéraire détenu par la ville. En son absence, l’emplacement sera considéré comme appartenant au terrain commun (CAA Nancy, 28 septembre 2006, Consorts X, n°05NC00285 ; CAA Bordeaux, 17 décembre 2018, n° 16BX02379), même si les juges du fond ont déjà sanctionné une commune qui était également dans l’impossibilité de le produire, inversant ainsi la charge de la preuve en la matière dans le cas qui leur a été soumis (CAA Bordeaux, 15 juin 2016, n° 14BX03322, Commune de Montbrun).

En l’espèce, aucune autre inhumation ne devrait être autorisée par la ville dans cette sépulture, afin d’éviter toute confusion dans l’esprit de la famille du défunt inhumé, qui pourrait considérer cet emplacement comme un terrain concédé.

Toutefois, la commune peut procéder à la « régularisation » de la personne inhumée dans cette sépulture, en transformant cette dernière en concession. Pour cela, il conviendra de procéder à la rédaction d’un nouveau contrat de concession au bénéfice d’un des membres de la famille. Sinon, l’acquisition d’une « nouvelle » concession de type familiale (nouvel emplacement), dans laquelle pourront être inhumés tous les membres de la famille (y compris le corps de la personne inhumée dans la sépulture sans titre), sera une autre possibilité offerte à la ville, si la famille du défunt souhaite accéder à une sépulture au statut juridique moins précaire.