Le petit Fañch va récupérer son tilde
Nouvel épisode dans l’affaire Fañch : la cour d’appel de Rennes a décidé le 19 novembre 2018 que l’enfant pourrait conserver le tilde sur son prénom.
Ce qui était un clin d’œil à la culture bretonne s’est transformé en combat pour les parents du petit Fañch, né à Quimper, le 11 mai 2017. La ville avait tout d’abord refusé d’inscrire le tilde sur son prénom dans son acte de naissance, avant de changer d’avis. Saisi par le procureur de la République, le tribunal de grande instance de Quimper dans sa décision du 13 septembre 2017, avait refusé l’écriture du prénom Fañch avec le tilde et ordonné la rectification de l’acte de naissance en vertu de la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil (NOR : JUSC1412888C) et de la loi du 2 Thermidor an II.
Les parents, soutenus notamment par des associations culturelles bretonnes, avaient alors fait appel de cette décision devant la cour d’appel de Rennes. Cette dernière a refusé le 19 novembre 2018 la rectification de l’acte de naissance et donc la suppression du tilde dans le prénom Fañch.
Elle considère tout d’abord que le tilde n’est pas inconnu en langue française puisqu’il figure dans plusieurs dictionnaires français dont le Petit Robert ou le Larousse (effectivement, nous y pouvons trouver les mots “Doña” ou “cañon”).
De plus, l'État, dans des décrets de nomination, transcrit le tilde dans les patronymes de personnes nommées par le président de la République. La cour justifie qu’ « il s'agit certes pour ces dernières décisions de l'emploi du tilde sur le "n" du patronyme de la personne nommée, toutefois l'emploi du tilde sur un prénom, qui désigne le nom particulier donné à la naissance, qui s'associe au patronyme pour distinguer chaque individu, ne peut être traité différemment sous peine de générer une situation discriminatoire ». Ainsi, si l’État autorise et utilise le tilde dans un nom mais pas dans un prénom cela serait alors discriminatoire.
Enfin, le prénom Fañch lui-même a été accepté par le procureur de la République de Rennes le 27 mai 2002 et l’officier d’état civil de Paris le 19 janvier 2009.
Par conséquent, la cour d’appel de Rennes estime que l'orthographe Fañch ne porte pas atteinte au principe de rédaction des actes publics en langue française ni à l’article 2 de la Constitution selon lequel « la langue de la République est le français » et autorise son orthographe avec le tilde.
Dans leur arrêt, les magistrats rappellent aussi qu’une circulaire n’a pas de valeur normative, puisqu’elle a vocation à expliquer et interpréter une loi ou un décret. Alors que le gouvernement n’avait pas prévu de modifier la circulaire du 23 juillet 2014 listant les signes diacritiques autorisés en langue française (Légibase no 92) et sur laquelle se fondait la décision du tribunal de Quimper, la décision de la cour d’appel de Rennes pourrait faire pencher la balance en faveur d’une plus large acceptation de ces signes.
Mais le feuilleton judiciaire autour du petit Fañch n’est pas terminé puisque le ministère public a décidé de se pourvoir en cassation.